Octobre Rose : Interview sur l'actualité de la recherche contre le cancer du sein à Bordet!

Cat. : L’actu de la recherche

A l'occasion de la campagne "Octobre Rose", nous avons souhaité partager cette interview sur les avancées de la recherche contre le cancer du sein à l'Institut Bordet. 

Par Philippe Fiévet, extrait de l'édition spéciale "101 Tables pour la Vie" de Paris Match (septembre 2020). 

Ce n’est pas un scénario de science-fiction ! Depuis l’acquisition, l’an dernier, d’une plateforme technologique 10X Genomics Chromium®, le séquençage permettant de sonder le coeur d’une seule cellule parmi les millions qui constituent la tumeur cancéreuse est désormais une réalité dans le Laboratoire de Recherche Translationnelle en Cancérologie Mammaire du Professeur Christos Sotiriou et de son bras droit, Françoise Rothé, PhD. L’intelligence artificielle y joue un rôle déterminant.

 

Le cancer du sein, une maladie très hétérogène

Paris Match : Pouvez-vous nous rafraîchir la mémoire en nous rappelant les objectifs des investigations que vous menez maintenant depuis de nombreuses années?

Françoise Rothé:  Nos travaux visent à améliorer la compréhension de la biologie du cancer du sein au niveau moléculaire à l’aide de technologies de pointe. Au cours de la dernière décennie, les nombreuses études que nous avons menées nous ont permis de mieux caractériser l’hétérogénéité du cancer du sein au niveau génomique et transcriptomique. Nous avons ainsi contribué à montrer que le cancer du sein constituait en réalité une maladie très hétérogène, chaque tumeur étant différente. Les résultats de nos recherches permettent d’ouvrir de nouvelles pistes pour améliorer la prise en charge des patientes.

Pr Christos Sotiriou:  Le cancer du sein constitue un écosystème extrêmement complexe composé de différents types cellulaires, les cellules tumorales mais aussi les cellules du microenvironnement tumoral comme les cellules immunitaires. Si les développements technologiques de ces dernières années nous ont permis de mieux identifier l’hétérogénéité tumorale, nous nous heurtions cependant à un obstacle majeur : nous étudions la tumeur dans sa globalité et, ce faisant, nous passions à côté de certaines populations de cellules agressives présentes dans celle-ci et responsables des récidives et de la résistance aux traitements.

 

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Un premier pas vers une médecine personnalisée

F. R. Or, les enjeux sont cruciaux. En étudiant plus en profondeur la biologie des tumeurs, cela permettrait d’identifier plus précisément les patientes à haut risque de récidive et qui nécessitent un traitement plus adapté ou au contraire celles qui pourraient se voir épargner les toxicités associées à certains traitements. L’objectif est de traiter chaque patiente sur base des caractéristiques moléculaires propres à sa tumeur. C’est que l’on appelle la médecine personnalisée.

PM: D’où l’importance de la nouvelle machine que ‘Les Amis’ ont financée il y a un an, le 10X Genomics Chromium® ?

C. S. En effet. Grâce à cette technologie innovante mais extrêmement coûteuse, nous pouvons désormais étudier le cancer du sein à un niveau sans précédent - celui de la cellule unique - et ainsi ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques.

PM: Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

F. R. En pratique, les échantillons de tumeurs composés de milliards de cellules sont d’abord dissociés en suspension de cellules uniques qui sont isolées dans des micro-gouttes contenant un code-barre. Celui-ci, unique pour chaque cellule, permet d’étiqueter les ARN de chaque cellule au moment de leur capture. Les ARN provenant d’une même cellule partagent donc tous le même code-barre. L’information fournie est ensuite utilisée pour définir le profil d’expression des gènes et ce, pour chaque cellule individuelle.

En déchiffrant l’hétérogénéité intra-tumorale à l’échelle de la cellule unique, nous cherchons notamment à mieux caractériser les mécanismes associés à une résistance à l’hormonothérapie et à la chimiothérapie.

C. S. Nous sommes actuellement parmi les seuls en Belgique à utiliser cette technologie dans le cadre d’études cliniques qui enrôlent des patientes présentant des formes de cancer du sein plus agressives nécessitant une chimiothérapie préopératoire, l’objectif à terme étant d’améliorer leur prise en charge.

 

Une importante contribution de l'intelligence artificielle

PM: Je suppose que ce type d’analyse génère un nombre impressionnant de données…

C. S. Effectivement, cette approche génère énormément de données qui doivent ensuite être analysées par des bio-informaticiens : on est véritablement dans l’ère du BIG DATA. C’est là que l’Intelligence Artificielle prend le relais.

PM: A ce propos, un spécialiste de la  question vous a récemment rejoints, je crois…

C. S. En effet, grâce à une Bourse des ‘Amis’, David Gacquer, un bioinformaticien talentueux spécialisé en intelligence artificielle, a rejoint notre équipe de bio-informaticiens. L’analyse de toutes ces données complexes permet d’étudier les interactions entre les différents types cellulaires et de mettre en évidence des populations cellulaires rares impliquées dans la résistance au traitement.

 

Une bourse des 'Amis' pour renforcer l'équipe de Recherche du Pr Sotiriou

davidPassionné par l’informatique et la programmation dès l’adolescence, David Gacquer PhD obtient en 2005 un master en informatique à l’Université de Valenciennes.

Motivé par la recherche, il défend avec brio en 2008 une thèse de doctorat portant sur l’Intelligence Artificielle et l’Apprentissage Automatique. Trouvant l’informatique un rien trop théorique à son goût, il décide dès lors de mettre ses connaissances en pratique et s’oriente vers la bio-informatique.

En 2009, il intègre l’équipe du Pr Vincent Dutours à l’IRIBHM (ULB) au sein de laquelle il réalise un post-doctorat en informatique. Depuis, il a intégré l’équipe du Pr Sotiriou à laquelle il apporte son expertise en Intelligence Artificielle.

 

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